Le jour où une tragédie a été évitée...
Effondrement d’une dalle végétalisée
Crédits: © Erwan Thépault / BSPP
Le jeudi 27 avril 2023, les équipes de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) font face à un violent incendie dans un parc de stationnement couvert. L’intervention bascule lorsque la dalle végétalisée s’effondre sur le sinistre. Un drame a été évité ce jour-là.
Incendie de parking de stationnement, couvert d’une dalle végétalisée
Type: incendie de structure, suivi d'un effondrement
Date: 2023.04.27
Lieu: Aubervilliers (France)
Particularité: effondrement du toit
Origine (probable) de l'incendie: inconnue
Bilan/dommages: 3 immeubles et 3 écoles évacués - 4 pompiers blessés - 300 personnes impactées
Description du sinistre
Les pompiers de la BSPP sont appelés pour un feu dans un parc de stationnement couvert à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), dégageant un énorme panache de fumée. L’incendie se développe en dessous.
Le parc de stationnement couvert d’une superficie d’environ 3.000 m² est surplombé par une dalle de béton sur laquelle sont installées des aires de jeux pour enfants. À l’est ainsi qu’à l’ouest du parking se trouvent deux immeubles. Le parc de stationnement compte trois accès en plus de la rampe. Les accès B et C sont situés à l’ouest et sont de plain-pied. L’accès A est situé sur l’angle nord-est, sur la dalle.

Crédits: © René Dosne / Allo 18
Les premiers engins sont déjà sur place depuis quelques minutes. Le sous-officier vient d’engager les deux premiers engins-pompes et a tout juste demandé à la radio quatre engins-pompes supplémentaires. La première décision prise, au vu du sinistre, est de blinder la sécurité. À chaque accès, il faut deux engins-pompes. La rampe est laissée libre, car elle est réservée au groupe d’exploration longue durée. Les équipes reconnaissent rapidement les premiers niveaux des immeubles. L’environnement est sain, les immeubles d’habitation ne risquent rien.
Devant l’accès C, le chef d’agrès du Premier-Secours Évacuation rend compte du feu qui brûle à l’intérieur, bénéficiant d’une vue sur le sinistre; mais il n’engage pas ses hommes, car la chaleur est trop intense. Ailleurs, les soldats d'Auber sont partis en reconnaissance, et localisent également le foyer. La lance est inefficace, car le sinistre se situe à l’intérieur des boxes, qui sont grillagés et empêchent l’approche des porte-lances. Le lieutenant demande par radio le renfort d’une section exploration longue durée qui arrive très rapidement sur les lieux. Il entend alors un bruit impossible à décrire. "Comme un craquement sourd", se souvient-il.

Crédits: © Erwan Thépault / BSPP
"Et là, ça tombe"
En plein milieu du compte-rendu, les intervenants présents ressentent comme une explosion avec un dégagement de fumée absolument incroyable qui les plonge dans le noir. Le lieutenant-colonel de garde témoigne à son tour: "C’était comme un grondement sourd avec une impression très claire de tonnerre. C’est un combiné de nuit, de chaleur, de souffle avec beaucoup de poussière et de gravats." Il leur faut quelques secondes pour se rendre compte de ce qu’il vient de se passer. C’est l’effondrement de la dalle de couverture!
L’intervention bascule, l’alerte repli est donnée par la corne de brume et par radio. Les secteurs sont réattribués et un décompte des pompiers engagés est effectué. Deux pompiers sont extraits et mis à l’abri, conscients. La situation est grave, mais sous contrôle. L’idée de manœuvre est de remettre en place tout le dispositif à chaque point d’accès avec des moyens lourds. Le dispositif médical est assez important, et les autorités civiles vont rapidement vouloir des réponses quant au taux de toxicité du panache de fumée présent dans l’air.
La problématique est claire: comment éteindre le sinistre qui apparaît inaccessible? Il y a des flammes, beaucoup de fumée, les moyens n’atteignent pas le foyer. Utiliser la manœuvre mousse est impossible, car il fait trop chaud pour l’employer.
L’idée de manœuvre choisie par le commandant des opérations de secours (COS) est de réaliser une manœuvre de force avec les deux robots d’extinction (REX). "Nous avons fait descendre les deux robots sur la dalle pour éteindre les foyers à distance. Malgré le poids des robots, la dalle a tenu bon, cela nous a rassurés sur la solidité de la structure. Si les robots tiennent, les lances à main tiendront. Nous avons donc mis des lances à main sur la dalle pour atteindre tous les foyers."
Dès que le niveau d’intensité a baissé, les lances à mousse ont pu être utilisées. Cinq lances sont nécessaires pour noyer l’ensemble de la structure. L’extinction finale a pris plusieurs heures. Il faut jusqu’au lendemain à midi pour éteindre les derniers foyers. L’intervention n'est clôturée qu’une semaine plus tard.

Quels sont les enseignements tirés?
Le feu du parc de stationnement couvert (PSC) reste complexe malgré les évolutions de la réglementation, de la doctrine et du matériel. Les volumes en infrastructure, les fluides, la progression ralentie par les fumées et l’obscurité, la localisation compliquée du sinistre, les potentiels calorifiques aléatoires, les boxes fermés avec stockage important, le risque de propagation en superstructure et la communication avec les équipes engagées représentent une partie des difficultés auxquelles sont confrontés les secours.*
Un PSC sous dalle végétalisée comporte, en outre, un risque d’effondrement auquel les secours ont été confrontés seulement 30 minutes après leur arrivée sur les lieux. Ce n’est pas une première pour les pompiers de Paris. En 2006, une dalle végétalisée de construction récente s’effondre sous l’effet de pluies diluviennes. En 2009, lors d’un feu de plusieurs véhicules dans un PSC, 80 m² de dalle végétalisée s’effondrent après une heure d’intervention.
La dalle du secteur Aubervilliers datait des années 60 et avait certainement été altérée par le temps, des aménagements pouvant l’alourdir, et quelques sinistres. Ces fragilités augmentent lors d’un incendie important, notamment s’il concerne plusieurs véhicules ou boxes.
Les enseignements à retenir sont nombreux. Il s’agit tout d’abord de souligner la bonne pratique des premiers sapeurs-pompiers engagés qui, par le respect strict des procédures d’engagement en infrastructure, ont amélioré la sécurité. La vigilance doit être renforcée sur ce type de structure et il est important de retenir que les dalles végétalisées ne couvrent pas seulement des PSC.
L’intensité du sinistre a également un impact sur la structure et, dans ce cas, il ne faut engager que le personnel strictement nécessaire, voire procéder à l’attaque par l’extérieur. Enfin, l’emploi de moyens hydrauliques permettant d’attaquer à distance avec une portée plus grande peut permettre le maintien des équipes en sécurité.
Article original publié dans ANPI Magazine n° 35, juin 2024
Source: RETEX: Soudain la dalle s'écroule... dans Allo 18, 4 octobre 2023
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Articles précédents:
* 'Incendie dans un parking souterrain' dans Fire & Security Alert Magazine n° 9, décembre 2017, pp. 9-16.
* 'Incendie du parking de Kings Dock à Liverpool' dans Fire & Security Alert Magazine n° 19, juin 2020, pp. 6-13.